Ou en étions-nous? Ah oui, le fil à pêche autour de mon pouce… Pendant que mon doigt le plus important était en train de se faire scier sur place, j’avais l’impression que tout le monde sur le bateau était figé. Tout à coup, sans raison apparente, la tension sur le fil se relâcha momentanément et le fil défit son emprise sur mon pouce. Première réaction avant même de constater les dégâts: Je retourne à la base et met mon pouce dans ma bouche. Catherine transfère Charles dans les bras de sa grand-mère et arrive rapidement avec la trousse de premiers soins pour éponger le sang et faire un garrot. Avant d’installer le bandage, ma dernière vision du pouce m’a permis de constater une ligne de coupure nette le traversant jusqu’à l’ongle. Je suppose donc que c’est ce dernier qui tient la chose en place et je prie Catherine d’y aller doucement, de peur qu’elle ne défasse l’assemblage précaire. Bonne nouvelle: nous nous dirigeons justement vers le plus gros hôpital de cette région des Caraïbes à St-George, Grenade. Seul hic: nous sommes encore à plus de 4 heures de navigation de cette nouvelle destination. Je prends donc mon mal en patience et maintient mon pouce en l’air en signe de thumbs up.
Arrivés à St-George en début d’après-midi, nous prenons le dinghy et Catherine m’accompagne à l’hôpital. Ici, l’urgence est beaucoup plus petite que celles que nous avons au Québec, mais tout aussi bondée. Heureusement pour moi, je suis considéré comme relativement prioritaire vu l’âge de ma blessure et il ne m’en faut que 2 heures d’attente avant d’être vu par le médecin. Celui-ci s’exclame en voyant l’état de mon pouce (ce qui n’est d’habitude pas bon signe) et m’indique que j’ai de la chance qu’il soit encore en place; ils n’ont pas l’équipement requis pour remettre des morceaux ensemble… Il me planifie une radio pour voir si l’os a été sectionné et demande à l’infirmière de me faire des points de rapprochements. Cette dernière, après avoir testé la solidité de mon pouce en le malmenant, décide qu’elle ne fera pas de points de rapprochements, seulement un nouveau bandage, parce qu’il y a trop de sang pour avoir une bonne adhérence. La radio ayant révélé que l’os était toujours relativement intact, j’en suis quitte pour une prescription d’antibiotiques et d’antidouleurs (advils…) Conclusion: J’aurais mieux fait de rester chez moi… Cette douloureuse aventure terminée, nous nous ancrons parmi plus de 300 bateaux à Prickly Bay pour explorer l’île principale de Grenade, ses plantations de cacao et ses nombreuses randonnées. Vu ma blessure, fini les baignades et la pêche en apnée (et d’ailleurs fini la pêche tout court).
Le 8 juillet, nous sommes de retour à Cariacou pour préparer le bateau pour sa sortie de l’eau le 11 juillet et son hivernage. Puis, c’est la course pour fermer le bateau pour les 6 prochains mois (il passera la saison des ouragans sur la terre ferme) et arriver à temps à Grenade pour notre vol vers Montréal le 15 juillet. Charles vit plusieurs premières depuis longtemps: Premier vol en avion, première fois que sa maison n’est pas entourée d’eau, premières agressions par les moustiques… C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre tant pour Boréas (qui aura l’occasion d’explorer de nouvelles mers dans les prochaines années) que pour la famille, qui aura à découvrir les joies de la garderie, le retour au travail et un nouveau projet de rénovation à l’horizon…